La mesure, les temps forts, les temps faibles

 

      Avant d'aborder la structure des tangos, on s'intéressera tout d'abord à la mesure, aux temps forts et aux temps faibles, pour rappeler quelques définitions et donner quelques précisions.

 

      On sait que les tangos sont la plupart du temps écrits sur une mesure à deux temps (mesure à 2x4, c’est-à-dire deux noires par mesure).

 

      Les premiers tangos de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle, héritiers entre autres de l'habanera, de la milonga et du candombé, écrits sur une mesure à 2 temps (2x4), proposaient des formules rythmiques et mélodiques relativement simples. Notons que cette mesure à 2x4 est aussi celle de la marche, sur deux temps forts alternés. (En toute rigueur, dans la mesure à 2x4, le 2ème temps est un temps plus faible que le 1er).

 

      On s’est rendu compte que cette mesure était peu favorable au développement de mélodies très élaborées. Même si les partitions ont continué à porter la signature temporelle du 2x4, la musique a été par la suite considérée comme écrite à 4 temps. Certaines partitions sont effectivement écrites à quatre temps (mesure à 4x8, c’est-à-dire quatre croches par mesure, ou mesure à 4x4, c’est-à-dire quatre noires par mesure). Cette écriture donne plus d’aisance pour élaborer des rythmiques plus variées et des mélodies plus riches.

 

      Dans la mesure à 4 temps, nous avons aussi à faire à deux temps forts par mesure, qui sont le 1er et le 3ème temps, le 2ème et le 4ème temps étant les temps faibles. (En toute rigueur, dans les mesures à 4 temps, le 3ème temps est un temps plus faible que le 1er). Quoi qu’il en soit, lorsqu’on parlera de temps forts, il s’agira des 1er et 3ème temps.

 

      Les tangos à danser sont donc charpentés autour des temps forts, les deux temps de la mesure à 2x4 ou le 1er et le 3ème temps des mesures à 4 temps. Il est important de les repérer pour la danse car, par leur pulsation, ils forment l’ossature rythmique de la musique.

      (A noter que la définition des temps forts et des temps faibles rend compte de leur position dans la mesure mais ne préjuge pas de l’intensité du son qui sera joué sur eux.)

 

      Rappelons aussi que, en musique, un temps n’est pas un instant (l’instant, c’est l’attaque du temps), mais une durée. C’est aussi cette durée qui est dansée. Dans la suite, on considérera donc comme valant 1 temps le laps de temps qui s’écoule entre l’attaque d’un temps fort et l’attaque du temps fort suivant (entre le 1 et le 3 dans une mesure à 4 temps ou entre le et le 2 dans une mesure à 2 temps) ou entre l’attaque d’un temps faible et l’attaque du temps faiblesuivant (entre le 2 et le 4 dans une mesure à 4 temps).

 

      Ce temps peut être décomposé en deux "demi-temps" (nous sommes en musique binaire). Le demi-temps sera alors la durée entre l’attaque d’un temps fort et l’attaque du temps faible suivant (par exemple entre le 1 et le 2 ou entre le 3 et le 4 dans une mesure à 4 temps), ou entre l’attaque d’un temps faible et l’attaque du temps fort suivant (par exemple entre le 2 et le 3 dans une mesure à 4 temps).

 

      Le "quart de temps", qui divise encore en deux la durée du demi-temps, selon le schéma

 

1

et

2

et

3

et

4

et

 

est la durée entre l’attaque d’un temps fort ou d’un temps faible et le "et" qui le suit, ou entre un "et" et l’attaque du temps (fort ou faible) qui le suit immédiatement.

 

      Les temps, demi-temps et quarts de temps seront repris plus loin lorsqu'on s'intéressera aux différents motifs rythmiques et au phrasé mélodique.

 

Le tempo

 

      Le tempo moyen des tangos est d’environ 62 à 66 battements (ou pulsations) par minute. Que ce soit dans une mesure à 2 temps ou dans une mesure à 4 temps, ces battements correspondent aux temps forts, soit deux battements par mesure. 

      

     Pour les tangos les plus lents, le tempo pourra n'être que d’environ 56-60 battements par minute, comme c'est le cas des tangos de la Vieille Garde, sortes de marche un peu lourde, dansées canyengue. Pour les tangos rapides, tels ceux avec lesquels D'Arienzo a ramené les danseurs sur les pistes dans la seconde moitié des années 30, la pulsation peut être supérieurs à 66 battements par minute et peut aller jusqu’à environ 70. La décennie 40 et surtout les années 50 ont vu les tempos se ralentir quelque peu : écouter , à cet égard les tangos instrumentaux enregistrés par Di Sarli précisément dans la décennie 50, tangos lents mais évitant, par un jeu plus subtil et par l'apport des mélodies, les lourdeurs des années 20.

 

      Il peut être intéressant, pour les comparer, d'écouter et de danser successivement plusieurs interprétations du même tango par le même orchestre à des tempos différents. , On peut ainsi donner l'exemple des différentes versions de "Milonguero viejo" enregistrées par Carlos Di Sarli

  • celle relativement rapide de 1940 (environ 66 pulsations par minute),
  • celle de 1944,
  • puis les deux, déjà plus lentes de 1951,
  • jusqu'à celles de 1955 (environ 58 pulsations par minute).

 

      On appréciera encore par exemple les enregistrements de "El zorro gris" par l'orchestre de Francisco Lomuto :

  • l'enregistrement de 1927, au tempo d'environ 60 pulsations par minute (dans le style canyengue),
  • celui de 1928,
  • et celui de 1941, que l'on entend au tempo d'environ 66 ou d'environ 70 pulsations par minute, apparemment selon les copies (?). Ou bien s'agit-il de deux enregistrements distincts de la même année ?

 

 

 (à suivre : Structure générale des tangos)