En un feca

Tango de 1924

Paroles : auteur anonyme – Musique : compositeur anonyme.

 

Antonio Rodríguez Villar (1) se souvient :

Ce tango, c’est René Ruíz qui me l'a appris : René Ruiz, membre du duo légendaire Ruiz-Acuña (2) qui se produisait à la même époque que Gardel-Razzano. Ruiz était un ami proche de mon père. J’ai appris ce tango en 1945 (j’avais alors 10 ans). Beaucoup plus tard [1980 ? (3)], ce tango a été proposé à mon affectionné et fraternel Edmundo Lionel Rivero qui l’a enregistré, même si le texte qu'il chante varie de quelques mots. Une particularité de ce tango, c’est qu'il est écrit en dizains."

 

(1) Antonio Rodríguez Villar : musicien, chanteur, chroniqueur de Tango, président de l’Academia Nacional de Folklore de la República Argentina).

(2) C’est justement vers 1924 que René Ruiz a formé ce duo avec Alberto Acuña.

(3) C’est plutôt en 1975.

 

Quelques enregistrements :

  • Edmundo Rivero, accompagné par Bartolomé Palermo et son groupe de guitaristes : Paco Peñalba, Pedro Cancio, Héctor Davis, Nelson Murú, en 1975 ;
  • Lidia Borda, avec Brian Chambouleyron et Esteban Morgado, album sorti en 2000 ;
  • Adriana Varela, dans l’album Encaje sorti en 2006.

 

En un feca (4)

 

En un feca de atorrantes*,

rodeado de escabiadores*.

Un malevo (5) sus amores,
rememora sollozante.
En tanto los musicantes,

pul...
pulsando sus instrumentos,

lle...
Llenan de tristes acentos
el feca tan concurrido
donde chorros* aguerridos,
tristes sue...
tristes sueñan con el vento*.

Con tu pinta tan diquera
me hicis...
me hiciste tanto (6) espamento
*.

me laburaste* (7)  de cuento

como a un otariocualquiera.

Y de la misma manera

me hicis...
me hiciste tirar la daga
y pa' colmo de mi plaga
yo punguié
* por tu cariño,

 

me engrupiste* como a un niño
pero esa deu...
pero esa deuda se paga.

Como tu fin ya está escrito,
fácil es de imaginar.
Muy pronto irás a parar
a manos de un compadrito

Y cuando ya esté marchito

ése,
ese cuerpo compadrón,

algún...
algún oscuro chabón
(8)

será el llamao a cargarte
nadie quiere el estandarte

si es lunga,
si es lunga la procesión.

 

Au féca (4)

 

Dans un féca de feignants,

entouré de soiffards.

Ses amours, il se les rappelle

en sanglotant, le malfrat.

Tandis que les musiciens,

caress’ ...

caressant leurs instruments,

rem’ ...

remplissent de tristes accents

le féca bien bondé

où des as de la chourre

rêvent trist’..

rêvent tristement de flouze.

 

Avec tes airs si enjôleurs,

tu m’as sor...

tu m’as sorti le grand jeu,

tu m’as enturbiné de bobards

comme le dernier des jobards.

Et, pareil,

tu m’as...

tu m’as fait... tirer le poignard

et pour comble de malheur,

je me suis mis à la fauche par amour pour toi,

tu m’as embobiné comme un gamin

mais cette ...

mais cette dette se paie.

 

Puisque ta fin est déjà écrite,

elle est facile à imaginer.

Très bientôt tu vas atterrir

entre les mains d'un marlou.

Et quand il sera flétri

ce...

ce corps provoquant,

et qu'un...

qu'un obscur quidam (9)

sonnera l’appel pour t’embarquer,

personne ne voudra porter la bannière

si elle est,

si elle est longue la procession.


(4) feca : caféal vesré, d’où féca en verlan. On aurait pu aussi bien proposer strobi ou quétro

 

Variantes :

(5) rodeada de escabiadores. Una paica*... = une fille)

(6) mucho espamento

(7) trabajaste

(8) botón* (un agent de police mais aussi, simplement, un type, à peu près = chabón)

 

(9) Si le qualificatif oscuro s'applique non à la personne mais à son vêtement, on pourrait aussi penser à : "quelque type en habit noir", un croque-mort

 

Comme bien des poèmes et nombre de textes de tangos écrits à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, celui-ci est truffé de termes du lunfardo (ou d'emplois détournés de mots du vocabulaire courant).

 

Traduction François Benoist ©

 

 

    Ce tango, Edmundo Rivero a dû le chanter maintes fois en El Viejo Almacén, comme ici en 1982 :

 

 

 

    Et voici Adriana Varela l'enregistrant en 2006 :