Nueve de Julio (Llanes)

Tango milonga - musique de José Luis Padula (1908).

     Parmi les quatre textes écrits sur cette musique (celui de Ricardo M. Llanesles deux d'Eugenio Cárdenas et celui de Lito Bayardo), voici celui de Ricardo M. Llanes (voir plus bas), qui apparemment n'a pas grand chose à voir avec le titre ! Il utilise beaucoup du vocabulaire lunfardo, à la manière de Pascual Contursi.

Ces paroles ont été chantées par Juan Carlos Marambio Catán.

 

  

Nueve de Julio

 

De un conventillo mugriento y fulero,

 

con un canflinfero *
te espiantaste vos;
abandonaste a tus pobres viejos
que siempre te daban
consejos de Dios;
abandonaste a tus pobres hermanos,
¡tus hermanitos,
que te querían!
Abandonaste el negro laburo
donde ganabas el pan con honor.

Y te espiantaste una noche
escabullida en el coche
donde esperaba el bacán *;
todo, todo el conventillo
por tu espiante ha sollozado,
mientras que vos te has mezclado
a las farras del gotán *;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera (2)
que soñaste con la gloria
de tener un buen bulín *;
pobre pebeta inocente
que engrupida por la farra,
te metiste con la barra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, piadoso,
un hospital te dé cama,
cuando no brille tu fama
en el salón;
cuando en el "yiro" * no hagas
más "sport";
cuando se canse el cafisio *
de tu amor;
y te espiante rechiflado
del bulín *;
cuando te den el "olivo" *
los que hoy tanto te aplauden

en el gran cafetín.


Entonces, triste con tu decadencia,
perdida tu esencia,
tu amor, tu champagne;
sólo el recuerdo quedará en tu vida
de aquella perdida
gloria del gotán *;
y entonces, ¡pobre!, con lágrimas puras,

 

tus amarguras derramarás;
y sentirás en tu noche enfermiza,
la ingrata risa
del primer bacán *.

 

* Nombreuses expressions familières, certains termes du vocabulaire lunfardo.

 

 

 

Le neuf juillet

 

D’un conventillo (1) crasseux, construit à la diable,

tu as filé

avec un protecteur ;

tu as quitté tes pauvres vieux,

eux qui t’ont toujours donné

les préceptes de Dieu ;

tu as quitté tes pauvres frères,

tes petits frères

qui t’aimaient !

Tu as lâché le rude boulot

qui était ton honnête gagne-pain.

 

Et tu t’es tirée une nuit,

t’engouffrant dans la voiture

où il attendait, le bourgeois ;

tout, vraiment tout, le conventillo

a sangloté de te voir filer,

alors que toi, tu t’es mêlée

aux fêtes du gotán ;

- jusqu'où es-tu allée ! -

pauvre poulette (2)

qui rêvais du bonheur

d’avoir un chouette appart' ;

pauvre petite innocente,

qui, abusée par la fête,

es entrée dans la bande

qui vivait dans ce café.

 

Peut-être que demain, par charité,

un hôpital te donnera un lit,

lorsque, dans la salle,

elle ne brillera plus, ta réputation  ;

quand, au "tapin", tu n'assureras

plus la "recette" ;

quand le mac se sera lassé

de ton amour;

et t’aura virée de l'appart'

sous les quolibets ;

quand ils te rejetteront

ceux qui, aujourd'hui, t’applaudissent si fort

dans le grand café.

 

Alors, triste de ta déchéance,

tu as perdu et ton être,

et ton amour, et ton champagne ;

ne restera dans ta vie que le souvenir

de cette gloire perdue du gotán ;

 

alors, malheureuse !, tu n’auras plus que les larmes

pour épancher ton amertume ;

et tu entendras, dans ta nuit morbide,

le rire ingrat

de ton  premier bourgeois.

 

(1) C’est par ce mot (littéralement : "petit couvent") que l’on désigne, notamment en Argentine et en Uruguay, un type de logement collectif urbain, formé d'une cour entourée de chambres. 

Les conventillos furent les premiers logements de beaucoup d'immigrants arrivant dans le pays. 

(2) D'après Denise Anne Clavilier, in Barrio de Tango (Ed. du Jasmin. p.372) :

Le terme milonguera désigne une "employée de cabaret [...qui danse] avec les clients, [... se fait] inviter à leur table pour les pousser à la consommation. [...] D'où femme facile, de petite vertu, entraîneuse, cocotte, belle de nuit, ou tout simplement fille (au sens dépréciatif du terme)...". Dans le présent contexte, plusieurs de ces mots pourraient s'appliquer. J'ai préféré un terme marquant une certaine tendresse de l'auteur pour son personnage.

 

     Ricardo M. Llanes, l’auteur de ces paroles, est connu comme poète, qui, d’après le site Club de Tango, page Antología lunfarda, a commencé à publier des poèmes lunfardo en 1916, le premier de ceux-ci étant le sonnet El Malevo publié dans "Ultima hora". On note encore la parution, en 1925, des poèmes Por Gracia de Helicón et, en 1928, celle du recueil Felicidad (versos a mi hijo Rubén Amado y otros poemas).

     Cette page Antología lunfarda, qui reproduit le sonnet Consagración maleva, indique aussi que Ricardo M. Llanes fut surtout "un historien de la ville de Buenos Aires".

     Le Cancionero rioplatense (1880-1925), mentionnant qu’il existe pour la valse Orillas del Plata (1916) de Juan "Pacho" Maglio des paroles signées par Ricardo M. Llanes, indique qu’il fut chroniqueur de la ville de Buenos Aires (Note 1).

     Or le même site Club de Tango, dans la rubrique Efemérides Tangueras, mentionne un Ricardo M. Llanes né le 27 mai 1927, renseignement confirmé par d'autres sources : Terapia Tanguera et Tango Mapuche). Ce Ricardo M. Llanes ne peut être celui qui publiait des poèmes lunfardo en 1916 !

     Et si le poète auteur des paroles de Nueve de Julio et de Orillas del Plata est aussi l'historien de la Ville de Buenos Aires, qui est donc le Ricardo M. Llanes né le 27 mai 1927 ?

     Si l’on recherche des ouvrages traitant de l’histoire de Buenos Aires, avec comme nom d'auteur Ricardo M. Llanes, on trouve des titres dont les dates de parution vont jusqu'à 1998 (!), avec Antiguas Plazas de la Ciudad de Buenos Aires (Cuadernos De Buenos Aires). A moins qu'il ne s'agisse de rééditions d'ouvrages plus anciens, ce Ricardo M. Llanes pourrait bien être celui né le 27 mai 1927.

     Peut-être doit-on penser que nous avons à faire à un Ricardo M. Llanes né à la fin du 19ème siècle, poète et historien, et un autre Ricardo M. Llanes né le 27 mai 1927 lui aussi historien ?

     Notons qu'on trouve un Ricardo M. Llanes (décédé) comme membre de la Academia Porteña del Lunfardo, fondée en 1962. Celui-là pourrait bien être aussi le Ricardo M. Llanes né le 27 mai 1927.

 

     Il est certain que si nous connaissions les seconds prénoms des deux personnages, tous deux ayant l'initiale M. et qu'ils soient différents, cela permettrait d'y voir plus clair...

Nous sollicitons-nous ici l'avis des experts en la matière... (par la page Contact du site).

 

 

(Note 1) Le Cancionero rioplatense (1880-1925), pages 106-107 reproduit, pour Orillas del Plata, un autre texte, celui-là dû à Francisco Bianco (voir texte et traduction).

 

 

 

Fiche mise à jour le 13 janvier 2015



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