Tango
Paroles et musique de Pedro Vergez.
Enregistrement de Roberto Firpo en 1926.
Engrupida
Donde termina Corrientes |
Trompée
Là où finit Corrientes (1), elle vivait tranquille la gosse qui, un jour, a vu briller les lumières du centre-ville. Et les oreilles flattées par l'homme qu’elle voulait a décidé un beau jour de quitter ses chers parents.
Tu y es bien arrivée, à être une bacana (2), et lui, il va alors t’abuser au point de te faire honte de t'arrêter pour me saluer, chaque fois que tu me rencontres, tu fais une curieuse grimace, tu ne m'appelles plus « mon bombyx » (3) ; comme quand tu m’aimais vraiment.
Non, tu n'es plus la gamine, celle aux longues tresses, maintenant tu apprêtes ta chevelure -coiffure à la garçonne-, tu n’as plus le même cœur que lorsque tu étais gosse ; tu ne chantes plus La Violeta (4) mais tu as appris le Mom-home (5).
Je ne te garde pas rancune pour le mal que tu m’as fait ; mieux même, je te porte dans mon cœur comme une relique d'amour. Les fêtes t’ont rendue folle et les lumières t’ont étourdie, tu es devenue papillon mais tes ailes se sont bel et bien brûlées. |
(1) La Calle Corrientes, devenue Avenida Corrientes.
(2) Maîtresse d’un homme riche, femme entretenue ; on a gardé le terme lunfardo.
(3) Il s'agit du nom générique des papillons nocturnes de la famille des Cossidés : en français, les zeuzères. On connaît, entre autres, el coso de los Sauces (la zeuzère des saules). Le nom du bombyx, de la même famille, sonne mieux que zeuzère !
(4) La Violeta : tango de 1929, la musique étant de Cátulo Castillo et les paroles de Nicolás Olivari. Les paroles d’Engrupida, tango enregistré dès 1926 par Roberto Firpo, en version instrumentale, ont-elles été ajoutées par Pedro Vergez postérieuement à 1929 ?
(5) Doit-on entendre : la mère au foyer ? Cette qualification pour une bacana serait alors quelque peu ironique !
Traduction François Benoist ©